On les emprunte tous les jours sans les regarder, on admire leur architecture ou leur prouesse technologique et on se rend compte de leur réelle importance au quotidien quand ils sont parfois fermés à la circulation .
On retrouve les premiers ponts dès la préhistoire.
Qu’ils soient une chaussée de pierres jetées sur un cours d’eau ou suspendu entre deux montagnes, le pont est un ouvrage d’art par excellence. Ces constructions permettent éventuellement d’établir sur les personnes, bêtes et marchandises des « péages » qui deviennent une source importante de revenus.
En 1747 on créera même une école qui leur est dédiée : L’École royale des ponts et chaussées.
À La Ferté
Au Moyen Âge, passerelles ou ponts permettent aux habitants de se déplacer du bourg aux écarts ou dans d’autres villages, tout en favorisant les échanges commerciaux.
Dans l’Île Saint-Taurin, on en compte deux : un sur la Sauldre, un autre sur le Brasseau (ou bras mort) près de l’actuel Prieuré. Ils appartiennent alors aux chanoines qui les entretiennent, les ferment et les ouvrent.
Avec la construction des Grands Moulins, leur gestion passe aussi par seigneur du village, qui la conservera jusqu’à la Révolution **
Les ponts au fil des ans… et de la Sauldre !
Les crues récurrentes de la Sauldre rythment la construction des passerelles ou des ponts, en bois à l’époque. Pas de pierre, bien trop chère !
Ainsi, le 24 décembre 1843 « La Sauldre se mit en crue, les habitants voulant célébrer leurs fêtes de Noël pour venir à l’église *** et établirent des passerelles sur des tréteaux et des échelles et plusieurs des plus hardis tombèrent à l’eau … »
Idem en décembre 1844, puis en février 1846 où « la crue devint telle que les 2 ponts furent emportés ».
On attend les décrues pour pouvoir circuler de nouveau ou on emprunte des passerelles provisoires pour les piétons, les voitures passant à gué.
Constructions et destructions
Le 22 juin 1846, la culée du pont du Prieuré est écroulée, une travée de la passerelle des Grands Moulins emportée.
Il suffit d’une nouvelle crue à l’hiver 1849 pour que les quelques réparations entreprises soient à nouveau défaites. On ne peut suivre les offices religieux ni se faire enterrer au cimetière du village …
En 1850 , on constate : « Les ponts tombent en lambeaux ».
Faute de moyens financiers et malgré les demandes à l’autorité municipale qui est alors à Selles-Saint-Denis, les ponts/passerelles restent délabrés et perturbent le quotidien des Fertois.
En 1852 une demande de restauration du Pont du Prieuré est émise et une lettre au ministère de l’Intérieur envoyée.
La crue du 22 juin 1856 est si l’on peut dire la goutte qui fait déborder le vase. Une nouvelle demande de secours est adressée à la préfecture, au conseil général et une grande souscription est lancée auprès des habitants du village « pour l’établissement d’un pont à voitures » dont le coût est de 7172,24F. Une liste des souscripteurs est établie avec le montant des dons, prestations en nature et matériaux.
Le 15 avril 1858, l’Abbé Bommer, accompagné d’édiles et notables du village, sollicite auprès de Napoléon III, en villégiature dans son château de Lamotte-Beuvron, une aide pour la reconstruction du pont. L’empereur donnera 500F.
Après adjudication, les travaux commencent enfin et le pont n’est finalement délivré qu’à la fin de 1860 : « Le mercredi 30 septembre, fête de St Jérôme, à 2 heures du matin, au son de la cloche, les habitants se réunirent au nombre de plus de 100 hommes munis de seaux, pelles, pioches, finir les fouilles, coulèrent le béton avec un tel entrain qu’à midi toutes les difficultés furent surmontées »
En 1863, une enquête est diligentée pour la suppression du pont du Prieuré. À monsieur Kirby, propriétaire du château qui le jouxte et qui s’en émeut, la préfecture répond : « Payez! »
En 1865, Edward Howarth, propriétaire du château de la Place, demande un pont provisoire au Prieuré pendant la durée de reconstruction : rejeté !
Le 20 mars 1866 : « La crue est passée sur les levées entre le bourg et l’église ».
Les ponts modernes
Adieu passerelles et ponts de bois ! Grâce aux nouvelles technologies et à l’industrialisation naissante La Ferté-Imbault se modernise et le 13 octobre 1886 le village se dote d’un nouveau pont, métallique cette fois.
L’abbé Bommer relate l’événement :
« Construction métallique, premier du genre, qui fut posé dans le Loir et Cher. L’assemblage de toutes les pièces le composant fut fait et boulonné sur les levées : puis, poussé d’ensemble, d’une seule pièce, sur des galets au moyen de crics : 6 hommes ont suffi pour cette opération, qui n’a duré qu’une heure, et émerveillé les nombreux assistants venus des communes environnantes pour être témoin de ce travail d’un nouveau genre. »
Depuis la fin du 19ème siècle, les contraintes techniques et environnementales ont évolué, nos ponts aussi !
Leur gestion, leur construction et leur réparation ne dépendent plus aujourd’hui que des seules ressources territoriales ****. Il reste toutefois un facteur qui lui n’a pas changé : les crues de la Sauldre, qui n’en fait toujours qu’à sa tête !
* Tarr Steps, Parc national d’Exmoor, Somerset,Angleterre (la datation du monument est le sujet d’un débat, la fourchette actuelle s’étend du premier millénaire avant notre ère jusqu’au XVe siècle)
Conseil de fabrique, Journal de l’abbé Bommer
** Abel Nonant de Pierrecourt
*** Eglise collégiale de St Taurin, dans l’Ile
**** Vie publique https://www.vie-publique.fr/questions-reponses/292901-la-securite-des-ponts-en-six-questions