Les élections politiques sont souvent le théâtre de discussions franches et de débats houleux. Alors quand on ajoute un curé râleur et une ancestrale querelle de clochers dans l’équation, forcément ça fait du grabuge.
Les élections de 1848
Suite au mouvement populaire de février 1848, la IIème République est proclamée et un gouvernement provisoire est mis en place.
Des élections législatives, au suffrage universel masculin, suivent les 23 et 24 avril de la même année.
À cette époque, La Ferté-Imbault n’était plus qu’une section de la commune de Selles-Saint-Denis et les oppositions, tant personnelles que politiques, faisaient rage entre les deux villages.
Bulletin dans l’urne et curé hors de chez lui
Ainsi, l’abbé Bommer, desservant de la paroisse fertoise, raconte que le samedi 22 avril 1848, le maire du bourg de Selles-Saint-Denis à la tête d’une compagnie de 30 ou 40 hommes, marche sur la Ferté et se rend au presbytère pour y déloger manu militari notre bon curé, qui trouve alors refuge chez des amis dans leur propriété du Chesne.
Le lendemain, remis de son expulsion, il se rend à Romorantin, au sous-commissariat, afin de se faire rendre justice. Il fait le compte-rendu de son entretien dans un courrier écrit à l’évêché de Blois :
« Hier, jour de Pâques, je suis allé trouver le sous-commissaire à Romorantin avec 15 de mes paroissiens pour lui demander : si réellement il avait donné des ordres semblables à M. le maire, et pour quels motifs = il nous a répondu qu’il n’avait point donné d’ordre = il ne connaissait point le véritable motif de cette conduite = et que, lui, sous-commissaire, allait venir dans la localité pour faire une enquête sur les faits dont m’accuse le maire = il nous en donne connaissance et dresse procès-verbal de nos réponses et des faits passés en présence du garde champêtre de la commune qui signe avec nous = je pense que M. le sous-commissaire en informera Votre Grandeur.»
Il y précise également les griefs invoqués par le Maire pour justifier son éviction mouvementée :
« On m’accuse d’avoir trempé dans les élections, c’est-à-dire d’avoir distribué quelques bulletins = c’est vrai = d’avoir raturé sur ces mêmes bulletins des noms = c’est faux = les quelques bulletins distribués par moi m’ont été donnés raturés = d’avoir écrit partout le nom de Pétigny, Chalais, [ Perigou ], Normant, Durand, Leroy, Salvat = c’est vrai pour 3 bulletins = j’ai dit à M. le sous commissaire que je ne me rappelais pas bien le nombre ; mais que j’étais sûr de n’en avoir pas écrit plus de dix = d’en avoir échangé = ce qui est vrai pour un en présence de plus de 10 personnes = d’avoir dit : que M. le commissaire était un homme de sang = ce qui est faux = voilà tout ce dont m’a accusé M. le sous commissaire = je ne crois pas que ce soient les véritables motifs de cette violente expulsion = je crois plutôt que c’est une vengeance purement personnelle… »
À la lecture de ce courrier, on pourrait se demander si l’abbé Bommer ne fait pas preuve d’un peu de mauvaise foi ? Un comble pour un curé…
Bien que n’étant pas seul dans cette « affaire » qui remua la vie locale, ces petits errements politiques ont bien failli coûter son poste de desservant à notre abbé !
Après bien des vicissitudes, il a pu maintenir son sacerdoce à La Ferté.
Et ce pendant de très longues années …
Quelques précisions
Suffrage universel pour les hommes d’au moins 21 ans, vote au chef-lieu de canton, c’est à dire Salbris.
La loi électorale du 15 mars 1849 exclut que le bulletin de vote soit rempli dans le bureau de vote : c’est à partir de ce moment que les candidats commencent à faire imprimer leurs bulletins.