Loin des polémiques politiciennes, historiques, philosophiques qui agitent parfois, par vagues récurrentes, les cérémonies encadrant la commémoration de l’Armistice de 1918, Les Lanturelus ajoutent leur petite pierre à l’Histoire en évoquant la Grande Guerre dans ce que fut notre petit village solognot. Et en faisant un focus particulier sur un soldat fertois Mort pour la France en Serbie.
1,4 million de morts, 3 millions de blessés et 8 millions de mobilisés, tel est le bilan pour la France entière, La Ferté-Imbault comptant quant à elle 53 morts.
Toute une jeunesse fauchée par la barbarie guerrière, des familles anéanties, une économie exsangue …
Les Morts pour la France
En reconnaissance des sacrifices réalisés par les soldats, le gouvernement crée une distinction « Mort pour la France » dès 1915. Elle est attribuée par le ministre de la Défense, dans des conditions définies par la loi du 2 juillet 1915 :
La qualité de « mort pour la France » est attribuée aux civils et aux soldats victimes de la guerre ; ainsi, tout au long du conflit, le ministère de la Guerre tient à jour un fichier de tous les soldats honorés de cette mention qui répondait à des critères précis : seules les personnes décédées entre le 2 août 1914 et le 24 octobre 1919, morts sur le champ de bataille ou à cause de dommages directement imputables au conflit, étaient susceptibles de la recevoir .
La mention « Mort pour la France » n’est pas uniquement symbolique, elle confère un certain nombre de droits aux victimes et surtout à leurs proches (sépulture militaire payée par l’État, statut de veuve et orphelin de guerre, pensions de réversion). La non reconnaissance de ce statut étant souvent un deuxième coup dur pour les familles déjà endeuillées. *
Monuments aux morts
Afin de glorifier la mémoire des si nombreux soldats « Morts pour la France » pendant la guerre de 1914-1918, la loi du 25 octobre 1919 encadre l’érection de monuments aux morts ainsi que les subventions et les souscriptions qui y sont attachées.
Au final, c’est plus de 36 000 monuments qui sont érigés sur tout le territoire. Les noms des « Morts pour la France » des conflits postérieurs y seront simplement ajoutés.
De nos jours, des monuments aux morts sont encore édifiés. S’appuyant sur l’esprit de la loi du 25 octobre 1919, un usage s’est imposé, depuis la Première Guerre mondiale, comme référence pour les décisions municipales en la matière : l’inscription d’un nom se justifie pleinement lorsque le défunt, décédé au cours d’une guerre ou d’opérations assimilées à des campagnes de guerre, est titulaire de la mention « Mort pour la France », et est né ou domicilié légalement en dernier lieu dans la commune considérée. Certaines municipalités ont parfois étendu cette possibilité aux victimes dont le décès est consécutif à un fait de guerre, dès lors que les deux conditions susvisées – octroi de la mention « Mort pour la France » et lien direct avec la commune – sont respectées. Juridiquement, les monuments aux morts sont pour la plupart des biens communaux et relèvent comme tels de la compétence des municipalités.
A l’origine, la fonction de ces édifices a été de rassembler la population autour du souvenir de ceux qui ne reviendront plus vivre dans la cité, faisant ainsi participer la commune au travail de deuil des familles. Par ailleurs, graver les noms des morts revenait à donner à ceux-ci un peu de cette gloire dont étaient alors parés ceux qui s’étaient sacrifiés pour la victoire des armées françaises.
Ces monuments sont de nos jours souvent méconnus. Ils demeurent pourtant à plusieurs titres des témoins historiques, qu’il s’agisse de l’histoire des mentalités, de l’histoire de l’art, de l’histoire de la commune tout simplement : les noms gravés traduisent le poids des guerres sur la vie locale quand ils ne sont pas aujourd’hui la seule trace de certaines familles.
Leur emplacement, leurs dimensions et leur ornementation sont très variés.
Si l’inspiration est libre quant au choix des monuments, son architecture reprend les codes et ornements en vigueur à l’époque : obélisque, statuaire militaire ou civile, motifs végétaux exaltant les vertus militaires ou civiques …
Le sergent Eugène Thierçault
Dans ses recherches, notre association Les Lanturelus a redécouvert le parcours de plusieurs soldats fertois. Nous avons décidé de mettre en lumière celui d’Eugène Thierçault, Mort pour la France en Serbie, après avoir combattu en Argonne et dans la Somme également.
[Selon les sources, le patronyme Thierçault peut prendre diverses graphies : Thiercault, Thiersault, Il s’agit bien des mêmes personnes.]
Eugène Gustave Thierçault, domestique en 1912 est né le 23.10.1892 à La Ferté Imbault. Il est fils d’Eugène Thierçault, journalier et de Joséphine Augustine Duchet, ménagère, domiciliés dans l’Île Saint-Taurin en 1891 et au moins jusqu’en 1906.
Mobilisé dès 1914, sa fiche matricule donne de nombreuses informations à son sujet.
Outre les détails sur son physique, son degré d’instruction, ses profession et lieu de résidence, le registre matricule informe des affectations diverses du soldat, les batailles dans lesquelles il a été engagé, les décorations reçues …
Ainsi nous apprenons ici que le soldat de 2ème classe Eugène Gustave Thierçault est devenu caporal puis sergent, et qu’outre un pied gelé en Argonne en 1914, il fut blessé par balle à la hanche en 1916 …
Le soldat Thierçault fut décoré de la Croix de guerre, 2 étoiles de bronze, cité à l’ordre du régiment et de la brigade.
Il fut également affecté à l’ambulance 8/3 :
Elle fonctionne comme ambulance sédentaire à Vertekop (Macédoine) [mentions de juillet 16 à octobre 18] ; organise un dépôt de convalescents et d’éclopés à Kladerop [mention, oct. 17] puis reste en soutien de l’Hôpital d’évacuation « temporaire » qui fonctionne à Vertekop lors de la grande offensive franco-serbe. Elle fait mouvement vers la Serbie et s’installe à Uskub où elle fonctionne au sein d’un groupement d’ambulances constitué pour la circonstance dans une ancienne caserne bulgare [mentions, oct.-nov. 1918] ;puis elle poursuit jusqu’à Nich (Serbie) et s’installe dans une ancienne caserne serbe devenue lazaret allemand (novembre-décembre 1918). Elle travaille à Nich conjointement avec l’amb. 2/57 et le groupe chirurgical mobile Narischkine, puis fait mouvement sur Kupria. A Nich elle est relevée par l’amb. alpine n°9.
Affectée à l’armée de Hongrie on la retrouve à Neusatz (janvier-mai 1919) où elle fonctionne comme ambulance satellite de l’hôpital d’évacuation n°2, venu de Fiume, pour lequel elle constitue une annexe de 110 lits. L’amb n°8/3 ou un élément ? est signalé à Szegedin (Hongrie) en avril 1919 en fonctionnement dans une ancienne caserne de hussards.https://forum.pages14-18.com/viewtopic.php?t=42008
Il décède le 26.10.1918 à Uskub (Serbie) – aujourd’hui Skopje en République de Macédoine – de maladie contractée en service (avec nombre de ses camarades) alors qu’il fait partie de l’Armée d’Orient, 157ème Régiment d’Infanterie. **
En 1922, son décès est déclaré « constant » par le tribunal de première instance de Romorantin (acte du 27.01.1922). Si ce terme nous parait aujourd’hui peu approprié, il s’explique par l’ampleur du massacre qui empêchait d’identifier tous les soldats tués dans les affrontements. Ainsi, certains soldats supposés morts pouvaient « réapparaître ». Ce ne fut donc pas le cas pour le sergent Thierçault.
Rapatrié, il est inhumé au cimetière de La Ferté Imbault, où il repose toujours.
En paix, nous l’espérons.
Pour une lecture très détaillée sur le parcours militaire dans la « Grande guerre » d’un autre poilu de La Ferté Imbault : 100ème anniversaire d’Octave Maupou le 13 novembre 1916 par Jean-Marie Guillon
* Parmi ces personnes « oubliées », on peut citer des soldats exécutés pour avoir contesté un ordre ou fusillés pour l’exemple, des estropiés qui moururent de complications tardives ou encore des victimes militaires et civiles affaiblies par la guerre et fauchées par la grippe espagnole… Beaucoup de personnes sont mortes pour la France sans être tombées sur les champs de bataille et même après 1919. Rien que pour les militaires, 95 000 soldats n’ont pas obtenu la mention.
** http://tableaudhonneur.free.fr/157eRI.pdf
Manœuvre d’Uskub : https://fr.wikipedia.org/wiki/Man%C5%93uvre_d%27Uskub
Dommage que sa tombe soit en reprise, il est mort pour la France quand même.
Hé bien peut-être que de bonnes volontés se feront connaître pour préserver la tombe du Sergent Thierçault ….
Bravo lantureluesque aux chercheurs dans les archives pour cette histoire. Tous vent debout pour demander que la Municipalité préserve cette tombe, la France lui a pris sa jeunesse et sa vie, elle ne va quand même pas lui reprendre son bout de terre où il repose !
Luc Marteau