e château de La Ferté-Imbault existe depuis la toute fin du Xe siècle. Si de nombreuses légendes ont circulé à propos de sa création, on trouve une documentation assez riche sur sa fondation :
Au Xe siècle, le comte [de Blois] Thibault le Tricheur (mort vers 986) était maître de Vierzon, situé dans une position forte sur le Cher ; vraisemblablement lui-même ou son fils Eudes Ier (décédé en 996) chargèrent de la défense de ce castellum leur vassal Humbaud le Tortu, seigneur originaire du pays chartrain. Le fils cadet de ce dernier, Geoffroy, fut installé du vivant de son frère dans la forteresse de la Ferté-Imbault, nouvellement construite pour parfaire le système de défense de la région. C’est donc l’origine de la châtellenie, qui paraît remonter à la fin du Xe siècle.
Isabelle Guérin-Brot (conservateur général des archives nationales 1961-1985)
La place forte, probablement érigée en motte castrale, est alors nommée Firmitas Imbaldi, Feritatem Humbaldi ou encore Firmitate Humbaudii (littéralement « le Fort d’Humbault »). Elle est située sur une éminence facilement protégée au nord et à l’ouest par le tracé de la Sauldre. Pour renforcer ces défenses naturelles, une palissade, des fossés et des douves sont alors ajoutés. Bien qu’aucune source ne détaille son organisation, on peut supposer que celle-ci reste classique : une tour en bois surplombant un grenier, et un logement pour le seigneur qui sert aussi de caserne.
Entre le XIIe et le XIVe siècle, la seigneurie, séparée depuis les années 1300 de celle de Vierzon, est devenue plus importante : elle dépend même directement du comte de Blois. Pour marquer son importance et protéger le bourg qui s’est développé à ses côtés, le castrum est transformé : il est désormais composé de 2 corps de bâtiments, un pour le seigneur, un pour le casernement, chacun flanqué de 2 tours. L’ensemble est probablement maçonné à cette époque.
Ce système défensif est pourtant insuffisant à contenir les attaques et les descentes des soldats et des pillards pendant la Guerre de Cent ans. On parle souvent de la venue du Prince noir en 1356 mais celle-ci n’est pas avérée pour La Ferté-Imbault. La ruine de la baronnie semble en fait due en grande partie aux troupes écossaises stationnées à Salbris. Ces dernières, comme leurs alliés français, pillent et rançonnent sans distinction les places fortifiées : la Sologne est profondément touchée et La Ferté-Imbault figure parmi les seigneuries les plus endommagées.
Le fort, racheté aux Montmorency en 1448 par la Maison d’Estampes, est restauré et agrandi. La mode des châteaux militaires est en train de passer : aux créneaux, mâchicoulis et autres meurtrières, on commence à préférer le confort et la décoration. Pour modifier La Ferté, on se base sur les constructions existantes : les deux corps de bâtiments sont reliés entre eux, de nouvelles salles sont construites et les écuries sont transférées dans un nouveau bâtiment. Une ferme est toujours présente dans la cour pour fournir la nourriture du domaine.
Le château souffre une nouvelle fois des temps de guerre. Ce sont cette fois-ci les armées protestantes qui le détruisent en 1562. Le domaine reste en très mauvais état jusqu’à ce que Jacques d’Estampes, baron puis marquis de La Ferté-Imbault, lance sa restauration pendant le premier quart du XVIIe siècle. Grand militaire et ami personnel de Gaston d’Orléans frère de Louis XIII, le riche seigneur de La Ferté-Imbault fait construire un bâtiment plus grand et plus moderne. Au corps de logis, il fait ajouter deux ailes. Il installe tout près deux bâtiments qui servent de communs : un pour la cuisine l’autre pour les gardes. Il fait aussi maçonner les douves et aménager, tout autour, des jardins à la française. Enfin, deux grands bâtiments sont construits en face du château : ils servent d’écuries et de cantonnement pour la compagnie de gens d’armes qu’il dirige. La ferme est reconstruite un peu plus à l’écart. L’ensemble de « La Ferté », en briques rouges, est typique du classicisme qui se développe à la fin de la Renaissance.
En 1748, Sophie d’Estampes, dernière représentante des d’Estampes de La Ferté-Imbault, épouse Alexis-Bernard Leconte de Nonant marquis de Pierrecourt. Le domaine a perdu de son importance et ne génère plus autant de revenus qu’auparavant. Malgré une politique de renouveau initiée par le seigneur Abel-Alexis-François Leconte, le château est vraisemblablement mal entretenu. Il ne semble pas avoir souffert de la Révolution. Preuve de cette relative quiétude : l’ancien baron de La Ferté-Imbault qui reste dans son domaine paie un religieux pour assurer les messes dans le village.
La terre de La Ferté est vendue une première fois en 1807 au Colonel César Briançon de Belmont puis cédée en 1819 à la comtesse de Grandeffe. Lorsque celle-ci revend le château de Jacques d’Estampes en 1824, l’aile nord a disparu.
William Lée, Anglais originaire de Leeds, est le nouveau propriétaire du château. Avec ses neveux les Kirby et les Howarth, il marque profondément le bâtiment : l’aile restante est détruite; probablement pour harmoniser la façade et réduire les frais d’entretien; et l’intérieur réaménagé. Louis de La Saussaye, historien et homme politique blésois qui visite la région en 1832 dit même du châtelain qu’il « défigure à plaisir » le « manoir d’Humbault et de l’illustre maison d’Estampes ». Le grand agronome qu’est Mr Lée – il fait construire la ferme modèle de Bel-air dans les années 1830 – modifie les jardins pour leur faire suivre la mode anglaise. Lorsque « l’Anglais » décède en 1853, la Ferté passe par héritage à M. Robert Kirby.
Le Pasteur Kirby vend en 1870 le château de La Ferté-Imbault à un ancien notaire : M. Auguste Fresson. Celui qui se fait rapidement appelé le « comte Fresson » et qui devient maire de 1878 à 1888 fait supprimer l’ancien toit « chinois » du corps central.
M. Fresson se sépare du domaine qui est acquis en 1900 par le docteur Georges Bouilly (médecin de grand renom qui soigna notamment la famille royale de Belgique) et son épouse Alice Convert. Au décès de monsieur Bouilly, sa veuve se remarie avec le capitaine Ernest Camille Bouglé qui gère le domaine pendant plusieurs années. À sa mort en 1932, le château revient à madame Convert qui le transmet aux enfants qu’elle a eu d’un premier mariage, contracté avec un monsieur Bertrand.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les bâtiments sont occupés par des troupes allemandes qui regrettent l’absence de chauffage central. Ils subissent de nombreux dégâts le 8 mai 1944 lorsque le camp militaire de Michenon est bombardé par les Alliés : le souffle des explosions emporte les toitures, brise les vitres, fait tomber des décorations…
La famille Bertrand reste propriétaire du château de La Ferté-Imbault et de son domaine jusqu’en 1997 où il est vendu à M. Alain Jouan, architecte. Après avoir lui-même participé à la restauration des bâtiments pendant de nombreuses années, M. Jouan a mis en vente ce monument de l’histoire fertoise en 2014.
En septembre 2017, le château est acheté par MM. Olivier Ojzerowicz et Geoffroy Medinger, manageurs de grandes entreprises.
Illustrations : plans, Alain Jouan; carte postale, collection privée
Certaines informations sont issues de l’exposition « Regards sur La Ferté » : voir les sources.